Pierre Hallé
Faire couler de l’ancre pour rien
Rien de mieux qu’un clavier et un traitement de texte pour se passer les nerfs. Car oui, on peut s’énerver en plonger. Si si !
Et récemment c’est souvent à cause d’une question d’ancre.
Oh oui, Pierre Castor, raconte-nous des histoires !!!

Chapitre 1, L’Ancre Vs Le Corail Mou
Petite plongée sur les doubles épaves d’Emily et Water Lily. Site très populaire du Nord-Ouest de l’Ile Maurice, l’une des barges possède quelques pieds de coraux mous très sympas à observer.
Un jour que je plonge dessus, v’là t’y pas qu’un autre centre de plongée vient se joindre à nous et utilise une corde et son ancre pour faire descendre ses plongeurs. Alors que nous utilisons souvent cette technique aussi, avec un flotteur a la surface et l’ancre sur le fond de sable, nous voici avec un mec qui a décidé de larguer son ancre de 15kg directement sur la barge, dans l’idée de carrément y amarrer son rafiot.

Ça, je m’en suis rendu compte lorsque j’ai vu la corde se raidir sous la traction du bateau, partir et complètement arracher un pied de corail mou de 50cm. Et voilà l’énorme pied de brocolis rose qui part en valsant dans le courant. Là, je fulmine et retrouve le mec avec son groupe pour lui pester dessus… par gestes, ça a la classe ! Le mec s’énerve et me réponds lui aussi par un mouvement de l’index pointé alternativement sur l’ancre, sur moi puis sur sa gorge un truc qui sonne un peu comme « Toi, tu touches à mon mouillage et je te fais la peau, conn*** ». Bon, en face de mes propres clients, ça m’emmerde mais j’essaye de lui faire comprendre avec des gestes posés, mesurés et courtois qu’il n’est qu’un #%$&* de *& !@€ .
Mais ce qu’il y a de génial dans l’histoire c’est que pendant l’échange de commodités avec le mec, l’instructeur d’un troisième groupe présent en profite pour passer derrière l’idiot, enlever l’ancre de l’épave ou elle commençait à raboter un autre corail, me fait un petit geste bon-entendeur et se casse vite faite en mode ninja. J’ai surtout adoré lorsque l’autre s’est retourné, a vu son mouillage disparu, se retourne rouge vers moi (tellement rouge que ça s’est vu même a -25m) mais n’a rien pu me reprocher car tout ce temps j’étais en face de lui.
De retour à la surface, on cherche à s’expliquer avec le skipper très remonté qui nous réplique qu’il fait ce qu’il veut, la mer est libre !
Chapitre 2, Ancre Versus Plongeurs
Au nord de chez nous se trouve l’épave du Silver Star. Personnellement j’adore cette grosse épave qui dort a -35/40 au large de Grand Baie. Mais parce qu’elle se trouve en pleine mer, et pour rendre à la fois la descente des plongeurs plus facile et la sécu surface plus simple, je descends presque toujours placer un bout relié à une bouée sur un anneau du mat prévu a cet effet. Ainsi, les plongeurs prennent leur temps pour descendre les 30m dans le courant, et le bateau peut garder un œil sur notre localisation même si la mer est grosse.
Encore mieux, la remonté. On se tient à la corde. On ne remonte pas trop vite. On s’attends pour faire les paliers. Et avec un Jon Line, c’est juste royal.
Ce qui est tout de suite moins royal, c’est lorsque au palier de 5m, mes plongeurs et moi-même entendons un bateau se rapprocher et de voir l’ancre de 15kg piquer un sprint vers l’épave juste à côté de nos têtes. Descendre à fond donc, et se bloquer pile sur l’épave, sans pitié.
Le tout sans parler de ce bout qui va se torsader autour de notre propre bout. Parce qu’évidemment avec 50m d’épave, plus ses environs, il fallait absolument placer leur descente sur notre point exact. Les 8 détendeurs et leurs bulles n’aidant pas du tout à détecter les plongeurs… Faut comprendre.
Mais le meilleur étant tout de même de voir les plongeurs de cet autre groupe se mettre à l’eau, se rapprocher de leur bout, de descendre à coté, de dériver à cause du courant… et de les voir a -40m de profondeur devoir se taper 50m à contre-courant en essoufflement pour rejoindre le site. Pourquoi placer un bout si c’est pour ne pas s’en servir ?
De retour en surface, on rapproche notre bateau du leur pour s’expliquer avec leur skipper. Peine perdu, nous de tirer de son début de sieste le mec très a fond sur la sécurité.

Chapitre 3, le Summum
Merville Patches est un superbe site. Une jolie succession de bas récifs a 12m de profondeur, dont la première patate peut à elle seule occuper toute votre plongée. Super riche en faune, vous pouvez parcourir 4 fois ses 20m de long et continuer de trouver de nouvelles choses. Crevettes, murènes, rascasses, vivaneaux, etc. Tout y est ! Et en surnombre !
Parce que le site n’est pas profond et se trouve être entouré de sable, il est parfait pour en mettre plein la vue aux débutants. Ce que j’aime faire, c’est placer mon bout de descendre à une dizaine de mettre à coté, dans le sable. Ça permet de descendre, d’atterrir sur le sable et de vérifier la flottabilité de tout le monde avant de s’amuser sur Merville sans tout râper avec ses palmes.
La semaine dernière, nous avons eu beau faire cela, ça n’a pas empêcher un autre centre de plonger de faire descendre sa propre ancre SUR le récif et d’y amarrer son bateau. Bon, je me dis que c’est peut-être une erreur et que le mec une fois dans l’eau va déplacer son ancre et la mettre quelque part sur les hectares de sable à côté.
Et non, le monsieur reste avec ses clients, ignore son ancre et l’impact sur le récif. Pire encore, l’ancre traine, se déplace, quitte le récif pour le sable et continue… vers le récif d’a côté, pour y faire le même cirque. Le mec est à côté de moi et ignore le tout. C’est décidé, je vais récupérer l’ancre et la mettre sur le sable à côté, avec aucun récif sur la trajectoire. Je soulève l’ancre juste assez longtemps pour sentir le mec me rattraper, me prendre l’ancre des mains et la pousser ailleurs avant de revenir droit vers moi. Pointage de doigt, regard pas content, bombage de torse, la totale.
Traditionnel retour en surface. Habituelle tentative de conversation avec le skipper et l’instructeur. Et comme toujours, on en tire rien. Réponse du style « qui t’es, pour m’parler » ou encore « j’fais c’qu’j’veux ».

Le plus navrant dans toute l’histoire c’est que les guides et instructeurs du coin ne semblent réellement se désintéresser de la conservation de leur propre outil de travail. A quoi ça sert d’essayer de montrer de beaux récifs à nos clients si juste à côté on commence à ratisser le corail avec un balai de 15 kg… Ils ont toujours de quoi te répondre et t’expliquer que c’est toi qui n’y connais rien !