J’ai eu il n’y a pas si longtemps un client qui, arrivé au palier de sécurité, a décide de m’expliquer avec de grands gestes que ça l’emmerdait et qu’il allait remonter. Passé la surprise, et le temps d’interprétation de ses gesticulations explicatives, j’ai repensé a ce que c’est que ce truc qu’est le palier.
Dans les faits:
Lors d’une plongée loisir, c’est remonter jusqu’à une profondeur généralement comprise entre -6 et -3m pour attendre 3 minutes. C’est l’occasion de jouer au pendu avec la corde du parachute, au morpion sur l’ardoise, de faire des bulles rondes vers la surface, et pour les plus doués d’entre nous, piquer un petit roupillon.
Dans le corps:
En remontant a cette profondeur là, les bulles d’air dissoutes dans le sang ont tendance a devenir un peu plus grosses mais pas assez pour présenter un risque d’embolie non plus. Etant de cette certaine grosseur, les bulles voyagent un peu plus facilement vers les poumons pour échanger plus efficacement de milieu et etre expulsé par le cycle ventilatoire.
Maintenant, presque tous les ordinateurs de plongée proposent le palier de sécurité de manière facultative mais extrêmement conseillé (comprendre: l’ordinateur ne va pas se bloquer si on le saute, mais qu’il va quand même faire bip-bip dans tous les sens)
Je me rappelle du temps ou j’étais jeune et con et que je passais mon niveau 4 a Niolon (en face de Marseille, l’une des plus grosses structures FFESSM). Mon instructeur de l’époque était limite a m’engueuler de retour sur le bateau parce que j’avais un ordinateur Suunto mosquito qui me donnait mes 3 minutes a 3 metres et que visiblement ça le faisait ch*** d’attendre que je fasse mon palier avant de remonter lui aussi. La-bas, il fallait mieux avoir du Uwatec super souple sur le temps de non-déco…
Donc oui, je fais mes paliers de securité et je trouve toujours d’autres raisons en plus de l’aspect sécurité :
Lorsque je fais un cours, c’est un bon exercice de maintient de la flottabilité. Expliquer au client que nous allons réduire l’air présent dans le gilet pour ne pas remonter comme un bouchon, et garder le niveau pendant quelques minutes. Qu’il faut bien regarder son ordinateur, contrôler la profondeur et gérer sa vitesse de remonter
La plupart du temps, je fais des plongées en dérive. Le palier de sécurité permet aussi de larguer le parachute de surface, donner le temps nécessaire au bateau pour nous voir, s’approcher. Ainsi, nous n’avons pas besoin d’attendre trop de temps en surface, au milieu des vagues que le bateau daigne nous récupérer.
M’entraîner a faire des bulles rondes.
Maintenant, il y a aussi un truc qui m’avait marqué a l’époque. Un peu moins jeune, mais certainement aussi con, un collègue instructeur me disait qu’avec le rythme de plongée que nous avons dans notre métier, il ne fallait pas omettre de le faire, “au cas ou”. Parce que enchaîner deux, trois, quatre plongées par jour, c’est toujours un gage de sécurité en plus que de faire cette petite pause.
Le signe généralement utilisé pour dire qu’on s’arrête 3 minutes
Enfin, parce que la plupart du temps j’encadre les plongées, je plonge toujours avec des plombs en plus. Car souvent, je peux avoir un plongeur avec un lestage trop juste surtout lorsque la pression de sa bouteille sera autour des 60/50 bar,et un kilo donné permet de rester confortablement installé au palier. Rien de plus frustrant que de réussir a remonter de -20 a -5m pour voir un plongeur ne pas s’arrêter et se retrouver les fesses a l’air en surface en essayant de redescendre (et en essayant de dégonfler le gilet, purge de l’inflateur pointé vers le bas sinon ce n’est pas drôle). Meme si un lestage correct est supposé etre bon lorsque, gilet vide en début de plongée, nous avons l’eau au niveau du masque, je trouve aussi efficace de dire qu’un lestage sécurité c’est d’être parfaitement neutre a -6m lorsque la bouteilles est a 50 bar.
Mais parfois, le palier est l’occasion d’une heureuse rencontre, regardez:
